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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 12:00

 

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Les lecteurs habitués de ce blog suivent probablement toute l’actualité de Michel Onfray plus assidûment que nous et ont certainement déjà lu ses articles sur l’abolition de la chasse. Nous les mettons en ligne avec un peu de retard en remerciant un internaute très sympa qui nous a gentiment signalé leur publication. 

Voici donc le premier article qui a été publié dans Le Point le 5 décembre 2013. C’est un compte rendu très favorable et enthousiaste du livre de Gérard Charollois, président du mouvement Convention Vie et Nature, magistrat aveugle peu ordinaire qui se bat depuis trente ans « Pour en finir avec la chasse ».

Nous avons illustré ce billet par les dessins de Charb publiés dans Charlie Hebdo et par une petite vidéo amateur de la conférence de Gérard Charollois sur l‘éthique animale. 


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« La mort n’est pas un loisir »

 

pour-en-finir-avec-la-chasse-de-gerard-charollois

Gérard Charollois est un juriste dont les états de service en faveur de l’écologie radicale et du combat contre la chasse et pour la nature méritent le respect. Son Pour en finir avec la chasse, sous titré La mort-loisir, un mal français, est un réquisitoire contre cette passion qu’ont certains hommes à jouir de donner la mort ce qui définit tout simplement le sadisme – qui qualifie tout aussi bien les amateurs de corrida, de combats de chiens ou de coqs…

 

Voici le questionnement de ce magistrat qui philosophe : pourquoi tuer des animaux pour le plaisir ? De quelle manière protéger des espèces quand chacun peut leur tirer dessus ? Comment l’intérêt général peut-il être confisqué par une minorité organisée en lobby ? Autant de questions éthiques, écologiques et politiques.

 

Gérard Charollois part du principe que des pratiques ne se réforment pas mais s’abolissent : l’esclavage et la torture jadis, la peine de mort hier, la chasse aujourd’hui. Or « la chasse, pour les animaux, c’est à la fois la torture, l’esclavage et la peine de mort ». La chasse n’est pas une activité naturelle, mais une activité retournée contre la nature. 2% de la population chasse, elle fait la loi aux 98% qui ne s’adonnent pas à ce loisir sadique, grâce à des institutions mises en place par le régime de Vichy, les Sociétés départementales des chasseurs. Ces fédérations confisquent le pouvoir pour gérer entre eux les affaires de la chasse « un peu comme si les gendarmes étaient sous contrôle de l’automobile club »…

 

On apprend dans ce livre que Chasse, Pêche et Tradition a été créé avec des fonds de chasseurs, ce que prohibe absolument le code électoral pour qui le financement d’une campagne électorale par une association autre qu’un parti politique constitue un délit normalement puni d’emprisonnement.


chasse 3


Contre la mythologie du paysan qui nourrit la population et protège la nature, Gérard Charollois pointe son rôle dans la destruction de la nature et sa haine des écologistes : haies arrachées, ruisseaux recalibrés, champs empoisonnés par les pesticides, paysages ravagés, marais asséchés. Pour lui, la faune, c’est le gibier qui se mange et les nuisibles que l’on tue. Le paysan peste contre les ravages dûs au gibier, mais c’est parce qu’avec sa chasse il a détruit l’équilibre naturel. En supprimant les prédateurs naturels que sont les ours, les loups, les lynx, il a fait pulluler le gibier qui, depuis, détruit ses récoltes – ce dont on le dédommage substantiellement. Il tue les renards qui mangent chacun 6000 rongeurs par an, moyennant quoi, il lui faut tuer les rongeurs avec des produits empoisonnés.

 

Les chasseurs abattent des animaux d’élevage qui sortent juste de leurs cages. Quand ils échappent au massacre, ces proies sans défense meurent d’inadaptation à leur milieu, celles qui s’en sortent, ultra minoritaires, ont un taux de reproduction proche de la nullité. Ces bêtes contaminées par des maladies contractées dans les enclos répandent leurs pathologies dans le milieu naturel. Les fédérations achètent 260 euros (prix 2000) des couples lièvres importés d’Europe centrale pour leurs lâchers.

 

Les chasseurs ne connaissent pas la nature, contrairement à ce qu’ils affirment : quand ils ont un oiseau en main, ils font vingt fois sur cent une erreur d’identification ! Quand ils chassent de nuit sur les marais, on imagine le carnage sur les espèces protégées…


Charb-Chasseurs


Cette activité mortifère est soutenue par les députés complaisants pour leur électorat : l’extrême-droite et la droite qui défendent la tradition, les communistes qui prétendent qu’elle est populaire, les ruraux qui ne veulent pas s’aliéner leurs électeurs. Des espèces sont classées nuisibles pour permettre aux chasseurs de les détruire. La loi est faite pour les tueurs d’animaux : tout propriétaire qui ne dit pas non aux chasseurs qui veulent tuer sur son terrain est considéré comme ayant dit oui, et ce en contradiction avec les textes qui interdisent d’être membre d’un groupement contre son grès ; le droit de suite permet d’abattre un animal épuisé chez des particuliers, en contradiction avec la législation qui en fait un viol de propriété privée ; la préemption des terrains pour les chasseurs est en opposition avec le marché libre ; l’abattage d’espèces protégées génère la plupart du temps la relaxe de ceux qui commettent ce forfait ; la destruction des espèces s’oppose aux textes qui les protègent…

 

Gérard Charollois propose l’abolition de la chasse. Il souhaite la réintroduction des prédateurs qui, en quelque temps, rétabliraient naturellement l’équilibre écologique. Il demande la disparition du sénat, fiction de la ruralité qui entretient « le poujadisme de cour de ferme » en défendant la chasse contre l’avis général de la population qui est abolitionniste. Il appelle à la création d’une instance supranationale, dans l’esprit de l’ONU, qui gérerait les problèmes de la nature sur toute la surface de la planète. Il préconise la création d’un crime contre la nature, comme il existe un crime contre l’humanité. Il défend un « hédonisme altruiste » soucieux de la vie et du vivant, de la souffrance des êtres humains et des animaux, car il sait que toute légitimation de jouir du sang versé ici, dans la chasse ou la corrida, est justification du sang versé là-bas, dans les règlements de compte, sur les champs de bataille, dans les conflits du monde.

 

Un jour probablement on s’étonnera que le plaisir pris au sang volontairement versé des animaux ait duré aussi longtemps… Jouir de mettre à mort un être vivant est une perversion qui jouit d’une étonnante tolérance.

Michel Onfray      

    

Charb-ChasseFin

 

A consulter également : Michel Onfray, Le paysan de Paris, Le Point


 

 

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12 décembre 2013 4 12 /12 /décembre /2013 14:38

 

 

Une nouvelle tribune de Michel Onfray sur deux visages de Front National publiée par Le Monde le 10 décembre 2013

 Le Pen, la fausse mue du vrai serpent

 

le pen 4

 

La mort de Nelson Mandela met au jour une singulière fracture entre Marine Le Pen et son père, entre le Front national et le Rassemblement Bleu Marine. Elle témoigne qu’il existe de facto une coupure entre le vieux père nostalgique de l’Algérie française et la jeune fille déguisée en général de Gaulle. Ce hiatus factuel nous invite à réfléchir sur ce qu’il faut penser vraiment de Marine Le Pen. Précisons.

Marine Le Pen a en effet salué la mémoire du Prix Nobel de la paix « qui, par patriotisme et par amour de son peuple, avait réussi à sortir son pays de la guerre civile en le préservant des déchirures ». Exercice habituel en pareil cas : on prétend aimer en l’autre ce qu’on imagine être chez soi – ici, une figure de réconciliation nationale qui permet de rassembler le peuple d’une nation éprouvée et déchirée. 

En Afrique du Sud, par le régime d’apartheid, en France, par le règne sans partage depuis un demi-siècle de « l’UMPS » – pour utiliser le langage de qui nous savons. Convenons que, même en n’aimant pas le libéralisme de droite et le libéralisme de gauche, ce qui est mon cas, il n’inflige pas autant de dégâts aux peuples qu’un régime d’apartheid !

 

DISCOURS RACISTE ET RACIAL

 De son côté, Bruno Gollnisch se félicite dans son blog que Jean-Marie Le Pen et le FN aient estimé « que le régime afrikaner était de loin un moindre mal, un facteur de stabilité et de richesses, entouré par un océan de misère ». L’Afrique du Sud en régime d’apartheid incarnait selon lui « une nation où les ethnies noires jouissaient alors d’un niveau de développement et de prospérité inégalé en Afrique noire ».

On aura donc compris que la fille et le père ne tiennent pas le même discours ! Mieux : qu’ils tiennent un discours contradictoire. Un électeur du FN historique trouve son compte au discours raciste et racial des tenants de l’apartheid ; un électeur du Rassemblement Bleu Marine se réjouira d’imaginer le retour du général de Gaulle, fût-ce en jupe et talons aiguilles. 

Le premier se retrouve ainsi à l’aise dans le camp des petits-fils de Drumont, des amis du Maréchal, des défenseurs du régime de Vichy, des nostalgiques des fascismes européens, des poseurs de bombes de l’OAS ; le second s’imagine que la France gaulliste est de retour avec la réconciliation nationale d’un après-guerre où vichystes, résistants et communistes (parfois, ce furent les mêmes…) faisaient la bamboula gouvernementale dans le bateau du Général. 

Que pense vraiment Marine Le Pen ? Attend-elle que le temps fasse sa besogne et la prive d’un père impérieux qui l’empêche d’exister sans lui ? Ou tient-elle le discours rusé et séducteur du serpent qui joue la carte gaulliste pour arriver au pouvoir, avant de tomber le masque une fois parvenue au sommet de l’Etat pour nommer Gollnisch premier ministre et confier les ministères aux amoureux transis des dictateurs ?

 

INSTALLER LA VERMINE AU POUVOIR

Le ministère de l’intérieur à un nostalgique de Mussolini ? Le ministère de l’immigration à un partisan de Pétain ? Le ministère de la défense à un sympathisant de Franco ? Le ministère de l’éducation nationale à un affidé de Salazar ? Où est Marine Le Pen ? A Colombey-les-Deux-Eglises, comme elle ne cesse de le dire à longueur de médias, ou à Montoire, comme on pourrait le croire si elle ne disait explicitement, et assez rapidement, qu’elle n’y est pas ? 

Si Marine Le Pen ne se désolidarise pas clairement des propos de son père et de Bruno Gollnisch, on pourra croire légitimement qu’elle taille la route pour eux et qu’elle avance masquée pour installer la vermine au pouvoir. 

Si elle est ce qu’elle prétend être en permanence, à savoir un retour du gaullisme sous sa forme souverainiste et populaire, alors qu’elle dise sans fioritures qu’elle ne soutient pas ceux qui sont les ennemis du général de Gaulle depuis toujours. 

Son silence joue contre elle : tant qu’elle ne dit pas non à ceux-là, elle leur dit oui. Dès lors, la mue de Marine Le Pen est poudre aux yeux. Pendant que le sage montre le serpent, l’imbécile regarde la mue.

 

      Michel Onfray        

 


 

Sur le même sujet (article et commentaires)

 "Jean-Marie Le Pen - Le Diable de la République - 40 ans de Front National"

      

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 12:53

 

 

Le regard philosophique de Michel Onfray sur l’éventualité de l’existence d’une vie extraterrestre.

Les propos recueillis par Christophe Labbé et Olivia Recasens et publiés sur le site Le Point.fr le 11 décembre 2013 :

« Onfray, un philosophe face à l’hypothèse E. T. »

 

extra-terrestre

 

Que changerait pour le philosophe que vous êtes la découverte d'une vie extraterrestre ?

 

Michel Onfray : Je pense que ça changerait tout pour tout le monde, pas seulement pour les philosophes... Cependant, il faut penser la question de la vie extraterrestre autrement que sur le terrain de la projection, en l'occurrence de la projection anthropomorphe. La science-fiction, la BD, le cinéma ont produit un nombre infini de variations sur ce thème, mais toutes en relations avec l'humain, sa forme ou son caractère : le vivant extraterrestre a forme plus ou moins humaine, plus grand ou plus petit, plus laid ou plus fort, plus méchant ou plus rusé, mais il conserve les attributs formels de l'humain, les yeux, la tête, le tronc, le corps, les membres, même s'il n'a qu'un oeil - son ancêtre le Cyclope de la mythologie -, ou s'il en possède des myriades, etc. Il faut bien plutôt imaginer du vivant soit dans des formes primitives, genre bactéries, virus, mais là encore nous restons dans la modalité de la projection. Il y a bien plus à parier que nous serions surpris par une forme totalement inédite, sans aucun point de comparaison avec ce que nous connaissons aujourd'hui et que nous nommons le vivant terrestre.

 

Cette découverte sonnerait-elle le glas des grandes religions monothéistes ?

 

Michel Onfray : S'il s'agissait de microcellules présentes sur une exoplanète, il y a fort à parier que les mythologies de toute la planète, monothéismes compris, ne s'en trouveraient aucunement affectées. Car le propre d'un délire, c'est que tout ce qui advient l'entretient ! Nul doute que les théologiens nous expliqueraient que Dieu est encore plus grand que ce qu'on imaginait jusqu'alors puisqu'il aurait aussi créé cette forme inédite de vie. Les monothéistes verraient là une confirmation de leurs fariboles...

 

Paradoxalement, l'athéisme ne serait-il pas lui aussi bousculé, car la notion de hasard pour expliquer l'apparition de la vie sur Terre en sortirait fragilisée ?

 

Michel Onfray : L'athéisme ne fait pas du hasard sa religion. Il est une pensée modeste là où les religions sont des pensées totalitaires, totalisantes, explicatives de la totalité par un principe simple - dieu... L'athéisme sait que la raison est limitée, le savoir immense, le connu infiniment plus petit que l'inconnu, il s'appuie sur la science qui, en nombre de domaines, en est à ses balbutiements, il admet le point d'interrogation, au contraire des croyants qui savent tout sur tout puisque ce qui est a été voulu et créé par leur dieu. La diversité du vivant, sa complexité, sa logique restent bien souvent une énigme pour l'athée, qui trouverait dans cette découverte matière à nourrir le caractère éminemment énigmatique de cet univers.

 

Cela modifierait-il votre rapport au cosmos ?

 

Michel Onfray : Non, j'ai déjà un regard stupéfié sur le monde. Je lis beaucoup d'astrophysique contemporaine : ce qu'ont récemment découvert les astrophysiciens suffit à mon étonnement... païen ! Si l'on ajoutait dans le cosmos une vie extraterrestre à ce festival d'extravagances, je n'en serais pas plus étonné.

 

Et si l'on découvrait un être conscient dans l'Univers ?

 

Michel Onfray : Présumer que cette vie extraterrestre nous mettrait en face de créatures conscientes va beaucoup trop loin pour moi. Mais jouons le jeu : quelque chose a déjà eu lieu dans l'Histoire qui a mis l'homme face à son semblable qui lui apparaissait comme dissemblable, à savoir la découverte des habitants du Nouveau Monde après 1492. Certes, on sait aujourd'hui qu'il s'agissait bien de nos semblables, et Montaigne l'a superbement affirmé au XVIe siècle. Mais je vous renvoie aux débats de l'époque, notamment à ceux qui opposent Sepulveda à Las Casas, autrement dit, celui qui, face à la différence, asservit le tiers et soumet l'altérité à celui qui, dans le même cas, affirme l'égalité du tiers dans la différence. Dans la configuration que vous signalez, nous trouverions la même césure : les uns y verraient matière à faire la guerre, les autres, obligation à construire la paix. Mais c'est compter sans les créatures que vous supposez, qui pourraient n'avoir rien à faire des humains et les asservir ou les exterminer illico. Mais ces configurations sont très improbables.

 

L'éventualité d'une vie extraterrestre est-elle une question taboue pour les philosophes ?

 

Michel Onfray : Taboue, non, car il n'y a rien de tabou pour les philosophes, sinon de démonter leurs légendes, leurs fictions, leurs mythologies officielles et institutionnelles - le marxisme, le freudisme, le lacanisme, le structuralisme, par exemple... -, mais hors sujet. Je crois que les considérations philosophiques sur le sujet de la vie extraterrestre sont rarissimes. Les philosophes sont trop préoccupés par l'homme pour se demander ce qu'il en serait d'un vivant extraterrestre...

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Stephen Hawking, un astrophysicien face à l’hypothèse E.T.

 

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  • quatuor
  • Le blog de 4 amis réunis autour de la philosophie de Michel Onfray qui discutaient de la philosophie, littérature, art, politique, sexe, gastronomie et de la vie. Le blog a élargi son profil depuis avril 2012, et il est administré par Ewa et Marc
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