L’analyse de la guerre au Mali proposée par Michel Collon, journaliste indépendant belge, sur son site Investig’action, me semble particulièrement intéressante, bien qu’elle puisse évidement être plus ou moins discutable.
Michel Collon y dévoile les mécanismes des médiamensonges. Comment les repérer?
D’après lui, il existe cinq principes incontournables de la propagande de guerre systématiquement utilisés dans les médias :
1. Cacher les intérêts économiques des multinationales et des gouvernements sous une présentation noble et désintéressée comme par exemple : arrêter une menace terroriste, faire régner la paix, établir la démocratie, etc.
La guerre au Mali, vu la position stratégique de ce pays, est, selon le journaliste, une guerre menée pour l’or, l’argent, le gaz, le pétrole et l’uranium, pour le contrôle de toutes les ressources de la région, dans l’intérêt des grandes firmes comme Bouygues, Areva, Alstom, Suez…
2. Cacher l’histoire - tout le contexte nécessaire à la compréhension des enjeux - afin d’imposer une version biaisée.
Concernant Mali, il s’agirait des « crimes » de la colonisation française qui devraient être, selon le journaliste, enseigner à l’école.
3. Se faire passer pour une victime ou pour celui qui vole au secours des victimes, des gens formidables qui se battent sur le terrain.
La France a été appelée à l’aide par le président intérimaire qui n’avait pas le pouvoir légitime de le faire, et elle a été appuyée par les dirigeants des États d’Afrique occidentale, marionnettes qu’elle-même avait installées au pouvoir.
4. Diaboliser l’adversaire - faire peur pour escamoter la réflexion.
Pour Michel Collon, il n’est bien évidemment pas question de justifier les exactions commises au Mali par les fanatiques islamistes, mais d’analyser les causes, les responsabilités de l’Occident dans la montée de l’islamisme. Il souligne ce paradoxe : la France s’allie au Qatar et à l’Arabie Saoudite pour renverser les régimes laïques et laisse ses alliés financer et armer les mouvements salafistes.
5. Monopoliser l’information - empêcher le débat ou le diriger vers le faux débat.
Les points de vue différents sont exclus des médias. On n'a pas parlé de la manifestation populaire à Bamako contre l‘intervention française, du dirigeant du parti radical de gauche, Oumar Mariko, qui a pris position contre l‘intervention, de l’ancienne ministre de la culture du Mali, Aminata Traoré, qui a lancé en novembre dernier la pétition contre la guerre…, etc. Quant au faux débat, la question qu’il serait judicieux de nous poser, selon Michel Collon, ce n‘est pas : est-ce que nous, les Européens, nous allons gagner ou pas, est-ce qu‘il y a un risque d‘enlisement?, mais : est-ce moral d’aller faire la guerre dans des pays africains pour contrôler les richesses et garder le déséquilibre entre riches et pauvres au niveau international?
En conclusion, il n’y a pas de guerre propre, c’est toujours les peuples qui en font les frais. Cette guerre est contre les Africains, contre les Européens, au service des 1% de riches qui dirigent la planète.
« Les grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous ! »
Etienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire
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Michel Collon a également participé au débat sur le même sujet : « Irak, Afghanistan, Libye, Mali : toujours la même guerre? » dans l’émission de Frédéric Taddeï « Ce soir ou jamais » (janvier 2013).
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Cette vidéo, où Michel Collon interviewe les Maliens lors d’une timide manifestation à Bruxelles le 2 juin 2012, prend une nouvelle dimension dans la perspective de la guerre actuelle.
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A consulter également quelques voix discordantes qui ont brisé le consensus national des premiers jours va-t-en-guerre : Jean-Luc Mélenchon, Noël Mamère, Dominique de Villepin, Eva Joly.