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4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 15:06

 

 

Le cours d'esprit critique - très vivant, décontracté et accessible à tous - donné par Richard Monvoisin, docteur en didactique des sciences, à l'Université Joseph Fourier à Grenoble. 

Vous pouvez - sans le moindre problème de compréhension - visionner cette vidéo par petits bouts de quelques minutes en choisissant parmi les thèmes présentés ci-dessous. 

Les séquences n° 4, 6, 7 et 16 m'ont paru particulièrement intéressantes.   

 

1. Raison et pensée critique  -  (00:15)

 
 2. La pensée matérialiste ou le monde comme matière  -  (01:11)      -  matérialisme méthodologique et non consumérisme
 
 3. La science, une démarche ouverte et évolutive  -  (02:45)
 - Ignace Philippe Semmelweis et l'utilité du lavage des mains après la dissection d'un cadavre,  avant d'effectuer un accouchement
 
 4. Science et pseudo-science : la réfutabilité contre le dogme  -  (05:09)
 - critère de Karl Popper ou de la réfutabilité des théories : si une théorie contient en elle-même sa  propre irréfutabilité (ex. psychanalyse, sectes, stages de développement personnel), elle n'est pas  scientifique  
 
 5. Le rasoir d'Occam : l’alternative est féconde - le parcimonie des hypothèses  -    (11:32)
 - couper les entités non nécessaires : pour expliquer un phénomène nouveau (extraordinaire,    paranormal, surnaturel), il est logique de privilégier l'hypothèse la moins coûteuse, la plus  simple, celle qui met en jeu le moins d’entités
   
 6. La raison, un outil d'analyse socio-politique  -  (14:49)
 - créer une autodéfense intellectuelle contre les affirmations stéréotypées : sur la différentiation  entre les sexes et entre les peuples, sur la délinquance, sur l'autisme, sur la répartition des  richesses, sur le model économique, sur les mythes "historiques" fondateurs...
 - vérifier si on ne propose pas une solution qui n'est pas une à un problème qui est mal analysé
 
 7. Nos opinions, une construction sociale  -  (20:09)
 - validation subjective - biais de confirmation - exposition sélective
 ou pourquoi les gens de gauche lisent les journaux de gauche, et les gens de droite les journaux de  droite ?
 et pourquoi les noirs courent vite et les femmes sont douées pour les tâches ménagères ?
 
 8. Raison et irrationalité, la cohabitation  -  (25:02)
 
 9. Le loto, seule chance d’ascension sociale  -  (26:07)
 - se payer une part de rêve 
 
 10. Les probabilités contre-intuitives  -  (28:16)
 - notre cerveau amplifie les petites probabilités et diminue les grandes, dans quelle mesure est-il  capable de nous tromper ?
 
 11. Phénomènes paranormaux, d'abord les preuves ! -  (29:20)
 - la science n'a pas pour but de tout expliquer, mais juste décrire le monde tel qui semble être
 - le jour ou la science mettra en évidence les capacités extrasensorielles, nombreux seront  les scientifiques à vouloir travailler là-dessus, mais ce qu'il manque, c'est l’élément de départ,  l'élément de preuve.
 
 12. Les pouvoirs de l'esprit, quelles preuves ?  -  (30:52)
 
 13. La bonne foi ne vaut pas la preuve  -  (31:57)
 
 14. La sourcellerie, quelles preuves ?  -  (34:11)
 
 15. Les pouvoirs de l'esprit, l'addiction sans preuve  -  (35:45)
 - est-ce vrai qu'on utilise seulement 10% des capacités de notre cerveau ? Serait-il doté de facultés  extraordinaires et suffirait-il de faire le travail sur soi, guidé par les coachs, pour faire émerger    les  90% de notre potentiel caché, pas exploité ?
 
 16. Croyances et médias  -  (37:59)
 - le but des médias n'est pas d'abord : informer, mais : gagner sa vie. Pour vendre un maximum,  il  faut jouer sur les fibres sensibles de l'esprit humain : la sécurité, la peur, l'affect, l'espoir, le  sensationnel...
 - l'entité extraterrestre qui viole la nuit plus vendable que la paralysie du sommeil 
 - le rapport de Tony Blair sur les armes de destruction massive en Irak ou l'affaire de Nayirah  (des  couveuses au Koweït) - l'instrumentalisation de l'information créé de toute pièce pour  émouvoir la population - les médias au service de la propagande de guerre 
 
 17. Croyances et niveau d'éducation  -  (46:04)
 
 18. L'effet Pangloss ou le raisonnement à rebours  -  (49:05)
 - tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles : scénario des créationnistes et de  Pangloss, grand philosophe et professeur de métaphysico-théologo-cosmolonigologie,  précepteur  de Candide de Voltaire
 
 19. Le cold reading  -  (52:23)
 - ou la lecture à froid : lire en une personne - méthode de persuasion utilisée par les vendeurs, les  politiques, les voyants, les  sectes et autres escrocs et manipulateurs
 - les techniques : l'effet Forer (ou Barnum) - le tir au petit plomb

 

 

 

 

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24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 10:06

 

ferrari-affiche.jpgDéprimé et avide de spiritualité, Jérémy Ferrari se tourne vers la religion pour trouver un peu de réconfort et aller mieux. Et voilà le résultat de ses recherches et de sa lecture des Livres Saints. (0 - 6:16)

Tout d'abord, Jérémy se livre à une exégèse particuliérement pertinente de cinq premiers chapitres de l 'Ancien Testament - le fondement et la source de sagesse des trois religions monothéistes, si belles et fraternelles. (6:16 - 41)

Puis, il se délecte de quelques versets bien piquants du Saint Coran, empreints, comme à l'accoutumée, de tolérance et d'amour pour les êtres inférieurs - femmes et fillettes prépubères ; il donne également la parole à l'imam pour eviter les erreurs d'interprétation commises si fréquemment par les mécréants bêtes et méchants. (41-52 et 56 - 1:01)

Faute de pouvoir acheter le Talmud à la Fnac, il étudie les us et coutumes, fort pratiques et pleins de bon sens, des Juifs : ce peuple élu auquel le bon dieu promit généreusement la terre - de paix, de tolérance et d'amour, cela va de soi -, tint sa promesse et la réalisa aussitôt qu'il le put. (1:10-1:27)

Parmi toutes ces divagations théologiques fort érudites, on trouvera ici et là quelques pépites : et voici les prêtres et les pasteurs qui ont essayé de suivre, tant bien que mal, les exploits miraculeux de Jésus (52-56) ; et voilà les élans d'amour des serviteurs de dieu vers les petits enfants, etc. (1:01-1:10)

Tout se termine comme il se doit : par le Jugement dernier. Sauf que cela ne se passe pas exactement comme prévu : les derniers ne sont pas forcement les premiers, les damnés et les sauvés, les mécréants et les saints ne se retrouvent pas là où on les attendait ... Hallelujah bordel ! Que voulez-vous, les voies du Seigneur sont impénétrables. (1: 27-1: 50)

 

Spectacle en intégralité

(1h 50)

 

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Quelques extraits du spectacle 
 

 

 

 

 

 

 

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Les passages de l’Ancien Testament et du Coran cités par Jérémy
 

coeur-livre

Ancien Testament 

  • Genèse 2

18L'Eternel Dieu dit: Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je lui ferai une aide semblable à lui. 19L'Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme.…

  • Genèse 4

25 Et Adam connut encore sa femme; et elle enfanta un fils et l'appela Seth (Remplaçant ) car Dieu, dit-elle, m'a donné un autre fils au lieu d'Abel, que Caïn a tué.

  • Genèse 8

18Et Noé sortit, avec ses fils, sa femme, et les femmes de ses fils. 19Tous les animaux, tous les reptiles, tous les oiseaux, tout ce qui se meut sur la terre, selon leurs espèces, sortirent de l'arche.

20Noé bâtit un autel à l'Eternel; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l'autel. 21L'Eternel sentit une odeur agréable, et l'Eternel dit en son coeur: Je ne maudirai plus la terre, à cause de l'homme, parce que les pensées du coeur de l'homme sont mauvaises dès sa jeunesse; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l'ai fait.… 

  • Genèse 22

1Après ces choses, Dieu mit Abraham à l'épreuve, et lui dit: Abraham! Et il répondit: Me voici! 2Dieu dit: Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t'en au pays de Morija, et là offre-le en holocaustesur l'une des montagnes que je te dirai.… 3Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l'holocauste, et partit pour aller au lieu que Dieu lui avait dit. [...] 6Abraham prit le bois pour l'holocauste, le chargea sur son fils Isaac, et porta dans sa main le feu et le couteau. Et ils marchèrent tous deux ensemble. 7Alors Isaac, parlant à Abraham, son père, dit: Mon père! Et il répondit: Me voici, mon fils! Isaac reprit: Voici le feu et le bois; mais où est l'agneau pour l'holocauste? 8Abraham répondit: Mon fils, Dieu se pourvoira lui-même de l'agneau pour l'holocauste. Et ils marchèrent tous deux ensemble. 9Lorsqu'ils furent arrivés au lieu que Dieu lui avait dit, Abraham y éleva un autel, et rangea le bois. Il lia son fils Isaac, et le mit sur l'autel, par-dessus le bois.…10Puis Abraham étendit la main, et prit le couteau, pour égorger son fils.11Alors l'ange de l'Eternel l'appela des cieux, et dit: Abraham! Abraham! Et il répondit: Me voici! 12L'ange dit: N'avance pas ta main sur l'enfant, et ne lui fais rien; car je sais maintenant que tu crains Dieu...

  • Deutéronome 23

1Celui dont les testicules ont été écrasés ou l'urètre coupé n'entrera point dans l'assemblée de l'Eternel. 2Celui qui est issu d'une union illicite n'entrera point dans l'assemblée de l'Eternel; même sa dixième génération n'entrera point dans l'assemblée de l'Eternel.…

  • Juges 19

23 Alors le maître de la maison sortit vers eux et leur dit : « Non, mes frères, je vous en prie, ne soyez pas des criminels. Après que cet homme est entré dans ma maison, ne commettez pas cette infamie.24 Voici ma fille qui est vierge. Je vous la livrerai. Abusez d’elle et faites ce que bon vous semble, mais ne commettez pas à l’égard de cet homme une pareille infamie. »25 Ces gens ne voulurent pas l’écouter. Alors l’homme prit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la connurent, ils abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin et, au lever de l’aurore, ils la lâchèrent.26 Vers le matin la femme s’en vint tomber à l’entrée de la maison de l’homme chez qui était son mari et elle resta là jusqu’au jour.27 Au matin son mari se leva et, ayant ouvert la porte de la maison, il sortait pour continuer sa route, quand il vit que la femme, sa concubine, gisait à l’entrée de la maison, les mains sur le seuil.28 « Lève-toi, lui dit-il, et partons ! » Pas de réponse. Alors il la chargea sur son âne et il se mit en route pour rentrer chez lui.29 Arrivé à la maison, il prit un couteau et, saisissant sa concubine, il la découpa, membre par membre, en douze morceaux, puis il l’envoya dans tout le territoire d’Israël.     

livre-coeur2

Coran

  •  Sourate II, Verset 223

Vos épouses sont pour vous un champ de labour ; allez à votre champ comme [et quand] vous le voulez et oeuvrez pour vous-mêmes à l’avance. 

  • Sourate IV, Verset 3

...Épousez, comme il vous plaira, deux, trois ou quatre femmes... 

  • Sourate IV, Verset 34

...Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les...

  • Sourate LXV, Verset 4censure rouge

Et quant à celles de vos femmes qui n'espèrent plus de règles: si vous avez du doute, leur délai est alors de trois lunes. De même pour celles qui n'ont pas encore de règles. Et quant à celles qui sont enceintes, elles ont pour terme celui où elles déposeront leur fardeau. Quiconque craint Dieu, cependant, Il lui assigne une facilité dans son entreprise.

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Spectacle en intégralité

(streaming gratuit sans inscription)
 

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24 décembre 2014 3 24 /12 /décembre /2014 00:40

 

 

dieu albert jacquard

Dans son essai « Dieu ?« (Stock/Bayard 2003), Albert Jacquard - scientifique, généticien, homme engagé, agnostique ou selon son expression : « chrétien non croyant « car attaché au message humaniste de Christ  - analyse le Credo. Il dissèque cette profession de foi chrétienne divisée préalablement en dix-sept séquences, en  mettant chaque phrase, chaque mot, sous la loupe critique de la raison, de la science, de l’histoire, de la sémantique moderne. Tout cela avec clarté et simplicité étonnantes, mais aussi avec un humanisme et une sensibilité très touchants. 

«  Je crois en un seul Dieu le Père… /… son Fils unique Notre Seigneur… /… qui a été conçu du Saint-Esprit, et né de la Vierge Marie... »  Ce sont les trois chapitres de ce livre correspondant aux trois fragments de texte du Credo commentés par Albert Jacquard que j’ai choisi de soumettre à votre sagacité aujourd’hui.

À déguster entre la bûche de Noël et la messe de minuit… 

 

 


 

Je crois en un seul Dieu le Père

 

Quelle étrange idée, après avoir introduit Dieu comme échappant aux catégories de notre univers concret, de Le présenter comme équivalent à l’un des acteurs du processus de la procréation ! Elle est révélatrice d’un manque dramatique d’imagination et de la rémanence dans les esprits de vieilles explications, dont il est pourtant maintenant admis qu’elles sont contraires à la réalité. Dans de nombreuses cultures le père de famille a été regardé comme le seul géniteur, celui dont la matière a produit l’enfant, la mère n’ayant qu’un rôle secondaire. Cette explication du véritable mystère qu’est la procréation permet à notre esprit d’avoir une image, certes fausse mais claire, de la succession des générations. Cette succession est décrite par la liste des pères des fils, des petits-fils, tandis que les mères et les filles ne sont regardées que comme des impasses dans le cheminement de la collectivité humaine à travers les siècles.

Les exemples les plus significatifs d’une telle vision sont les énumérations retraçant la généalogie de Jésus. Au début de son Évangile, Matthieu donne les noms des ancêtres de Jésus au cours de cinquante-deux générations se succédant à partir d’Abraham ; Luc, au chapitre 8 du sien, remonte en soixante-seize générations jusqu’à Adam. Chacun de ceux qui sont nommés est relié par une flèche à celui qui l’a précédé. Tout est simple, mais il ne s’agit que de mâles.

 

Reproduction et procréation

La réalité pourtant est tout autre. Nous savons maintenant ( à vrai dire depuis peu de temps, un siècle et demi) que la procréation implique deux individus dont rôles, du moins à l’instant de la conception, sont rigoureusement symétriques. Le père n’a nullement une importance supérieure ; il est, toutcomme la mère, incapable de procréer seul.


dieu est une femme

"Dieu est-il une femme ?"  par ange


Il y aurait donc d’aussi bonnes (ou plutôt d’aussi mauvaises) raisons de dire Dieu la mère que Dieu le père. Il suffit de formuler tout haut ou d’écrire Dieu la mère pour ressentir ces mots comme scandaleux, comme blasphématoires. Comment oser attribuer à Dieu le sexe féminin ? Mais le scandale est identique, le blasphème aussi grave, lorsque nous lui attribuons le sexe masculin. Ces deux formulations nient la réalité de la procréation ; celle-ci réalise, grâce au déroulement d’un processus aléatoire, un individu nouveau. Il est paradoxal, ayant défini Dieu comme ayant une capacité sans limites, de Le présenter comme participant à une fonction, la paternité, dont nous savons qu’elle ne peut s’exercer seule.

Il y a quelques milliards d’années, alors que la reproduction non sexuée était celle de tous les êtres vivants, cette évocation d’une source biologique unique de chaque individu était conforme à la réalité ; il n’aurait alors pas été illogique d’utiliser ce schéma pour tenter de décrire le lien entre l’en deçà et l’au-delà. Mais cette image n’a plus aucun sens depuis que certaines espèces, dont la nôtre, ont remplacé, il y a sans doute moins d’un milliard d’années, la reproduction par la procréation.

 

Divinisation du mâle

L’assimilation de Dieu à un père ne serait qu’un non-sens si l’on s’en tenait à la signification du mot, mais le résultat dans nos esprits est un véritable contresens car elle suggère l’assimilation d’un père à un dieu. Les religions qui utilisent cette présentations de Dieu sous-entendent que le père de famille jouit d’une autorité de nature quasi divine. C’est toute la structure sociale qui s’en trouve orientée ; en attribuant implicitement un sexe masculin à Dieu, elles créent une dissymétrie fondamentale au profit du mâle.


Je-sais-que-Dieu-nest-pas-une-femme-car-une-femme-naurait

 

L’Église romaine a tiré de cette vision des conséquences extrêmes en exigeant le célibat des prêtres et en interdisant aux femmes les fonctions ecclésiales les plus prestigieuses.

Il n’est pas excessif de constater que Mendel, en dévoilant avec ses petits pois en quoi consiste le processus de la procréation, a apporté une lucidité dont les conséquences s’étendront jusque dans les structures de la famille, de la société, et des institutions liées aux religions. C’est là un bel exemple d’une révolution conceptuelle aux prolongements inattendues. Il est vrai qu’elle concerne un processus qui obsède notre imagination ( il s’agit de l’origine de chacun de nous) et qui, jusqu’à la découverte de la double commande des êtres sexués, était resté totalement inexpliqué. Hélas la mise en cohérence de ces structures et de cette lucidité ne se réalise que lentement. Combien de siècles faudra-t-il encore pour admettre qu’attribuer un sexe à Dieu est un blasphème ?

 

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… son Fils unique Notre Seigneur…

 

Après avoir présenter Dieu comme le père de tous les humains, le Credo Lui attribue un seul fils. La contradiction est si flagrante que les notions de paternité et de filiation introduites ici doivent nécessairement être interprétées comme des métaphores et non comme la description d’une réalité. Cet usage évident d’une image est le signe d’une impossibilité de décrire en mots simples, avec un sens précis, ce que l’on désire exprimer. Le message est donc, contrairement aux apparences, que Dieu ne doit pas être regardé comme étant un père de famille riche d’innombrables enfants, dont l’un serait privilégié au point d’être considéré comme le Fils, avec une majuscule ; accepter cette image ne pourrait être qu’une trahison, même si elle est inévitable faute de phrases capables d’exprimer la vérité. Reste à préciser le sens de cette métaphore. Mais en a-t-elle vraiment un ?


JanSaudek.jpg

 Jan Saudek


Le danger d’une mauvaise interprétation est d’autant plus grand que le problème posé par la succession des générations chez les êtres vivants fait partie d’un domaine où nos concepts ont récemment beaucoup évolué. Depuis toujours cette succession a été regardée comme reproduction, c’est-à-dire la réalisation de un être semblable, sinon identique, à celui qui l’a engendré. La version du Credo dite de Nicée-Constantinople (celle qui a été adoptée par les deux premiers conciles oecuméniques en 325 et en 381) insiste sur cette vision en affirmant de Jésus qu’il est «  Dieu né de Dieu, lumière né de la lumière, engendré non pas créé, de même nature que le Père ». La référence à une nature qui est transmise montre bien que, pour ces rédacteurs du Credo, il y avait continuité entre le géniteur et l’engendré, que la filiation était une reproduction.

Nous savons maintenant que cette filiation correspond à un processus qui se déroule d’une tout autre façon : il s’agit, dans toutes les espèces évoluées y compris la nôtre, non plus d’une reproduction mais d’une procréation ; celle-ci, loin de produire du semblable, fournit chaque fois du différent, de l’inattendu, de l’imprévisible et surtout elle nécessite l’intervention non pas d’un mais de deux géniteurs.


saudek - cerna

     Jan Saudek


La métaphore de la filiation a entraîné les rédacteurs du Credo dans une impasse. Car elle signifiait pour eux identité d’essence ente le père et le fils. Si le Credo était rédigé aujourd’hui, il faudrait, pour exprimer la même idée, avoir recours à une métaphore d’une autre nature.

Il en est de même pour le mot Seigneur ; ce mot avait un sens clair pour ceux qui vivaient dans des sociétés hiérarchisées où le seigneur était celui qui localement disposait du pouvoir suprême. Dans nos sociétés où les concepts d’égalité et de démocratie sont considérés comme objectifs raisonnables, où l’autorité est lié à une fonction et non à une nature, où aucun roi ne l’est plus de droit divin, cette référence n’a plus guère de sens. Assimiler Dieu à un seigneur apparaît aussi réducteur que L’assimiler à un bricoleur créant l’univers pour se désennuyer.

Un Credo dont les termes auraient un sens directement accessible à tous aurait finalement avantage à n’évoquer ni le Fils ni le Seigneur.

 

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… qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie…

 

Ici le biologiste, et plus précisément le généticien, se sent interpellé. Jésus - sur ce point l’Église et ferme - a été véritablement totalement, un homme ; s’incarnant en lui, Dieu s’est « fait homme ». Son organisme Le-Bon-Dieu-est-une-femme-9835était semblable à celui des autres hommes et était animé par les mêmes métabolismes. Nous sommes donc contrains d’admettre que cet organisme s’est développé à partir d’une dotation génétique. La moitié de celle-ci, et seulement la moitié, lui a été fournie par sa mère ; l’autre moitié par qui ?

La référence à l’Esprit saint n’implique bien sûr aucune allusion à une réalité biologique ; par ce double mot l’Église évoque un concept particulièrement abstrait dont j’ai cherché en vain une définition claire dans le Nouveau Catéchisme. La « conception » opérée par le Saint-Esprit ne peut être que spirituelle ; elle n’a rien de commun avec ce que peut accomplir un spermatozoïde apportant ses vingt-trois chromosomes dotés de quelques dizaines de milliers de gènes. Il a bien fallu pourtant qu’une autre source fournisse, en complément de l’ovule fourni par Marie, les informations permettant à cet ovule de réaliser un organisme humain.

Le fait que Jésus était de sexe masculin rend cette nécessité plus évidente encore. Son patrimoine génétique comportait en effet un chromosome Y (l’on sait maintenant que les individus de sexe féminin reçoivent deux chromosomes désignés par la lettre X, tandis que ceux de sexe masculin reçoivent un X et un Y). Ce chromosome Y, possédé par les seuls mâles, n’a pu lui être fourni par sa mère. Poser la question de sa provenance n’est pas une impertinence signe d’un mauvais esprit ; cela est nécessaire si l’on tire la conséquence de l’affirmation voyant en Jésus un homme véritable avec toutes les caractéristiques que cela implique.

Décrire un homme signifiait, autrefois, énumérer ses caractéristiques apparentes ; aujourd’hui c’est tenir compte de tout ce que nous révèlent les laboratoires. Connaître le groupe sanguin est plus important que constater la couleur de la peau ; analyser le système immunologique apporte plus d’informations que préciser le caractère crépu ou non des cheveux. À deux mille ans près, ce qui est une durée insignifiante dans l’histoire de notre espèce (et infiniment moins dans l’histoire de l’univers), Jésus aurait pu se manifester au cœur d’une humanité qui aurait porté sur lui un regard tout différent, nourri plus de résultats techniques que de caractères apparents.

Dostoïevski dans Les Frères Karamazov imagine le retour du Christ sur la terre et montre la violence des réactions de rejet des Églises face à cet événement : le Grand Inquisiteur le condamne à s’éloigner. S’il écrivait à notre époque, il pourrait évoquer l’attitude des organismes sanitaires établissant une fiche complète sur laquelle figurerait le groupe ABO, le système rhésus et le système immunitaire ; à côté d la photographie du visage figurerait le caryotype, c’est-à-dire la représentation des quarante-six chromosomes.

Naturellement la question : « d’où provenait le chromosome Y de Jésus ? » n’aura jamais de réponse. Il n’en reste pas moins que ne pas la poser est signe d’une absence de cohérence dans ce que l’on affirme croire. Il serait préférable d’aller au-devant de cette interrogation, quitte à montrer qu’elle n’a aucun intérêt, puisque l’essentiel de la « bonne nouvelle » qu’apportent les Évangiles est ailleurs.

Finalement mieux vaudrait n’évoquer ni l’intervention supposée du Saint-Esprit, ni la virginité de Marie. Ce sont des épisodes qui fascinent les foules mais qui n’ont rien à voir avec le contenu du message.

Qu’une vierge joue un rôle dans les rapports de notre humanité avec l’au-delà est évoqué par de nombreuses religions ; ce n’est pas une idée nouvelle introduite par le christianisme. Plutôt que d’insister sur ce questionnement sans réponse et finalement sans intérêt, le Credo chrétien aurait une portée plus grande en mettant en évidence ce que le discours de Jésus apporte d’inouï. 


Albert Jacquard, Dieu?, Stock/Bayard 2003, pp. 49-54, 89-95   

 

 

 

 

 

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  • Le blog de 4 amis réunis autour de la philosophie de Michel Onfray qui discutaient de la philosophie, littérature, art, politique, sexe, gastronomie et de la vie. Le blog a élargi son profil depuis avril 2012, et il est administré par Ewa et Marc
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