Pendant que les idéalistes qui tiennent à avoir les mains propres, d'aucuns lepénistes, les nihilistes et jemenfoutistes votent blanc ou s’abstiennent (ce qui revient au même), les féministes font leur choix entre le pire et le moins pire. Puisque le monde idéal, la politique et la démocratie idéales n’existent pas et n’existeront jamais, on se retrouve très souvent à devoir faire ces choix-là.
Avec François Hollande, les vaches libérales seront bien gardées, certes, mais moins bien qu‘avec Nicolas Sarkozy. Et avec Hollande, les pâturages seront peut-être un peu plus propices à la floraison des micro résistances...
Le 25 avril 2012 Libération a publié le texte de 150 féministes appelant à voter pour la gauche au second tour de la présidentielle. Parmi les signataires : Sylviane Agacinski, Laure Adler, Axel Kahn, Caroline Fourest, Isabelle Alonso, Philippe Torreton, Gisèle Halimi, Annette Wieviorka, Pap Ndiaye, Françoise Héritier, Philippe Meirieu…
« Les droits des femmes passent par la gauche »
"Nous sommes féministes. Le 6 mai prochain, nous voterons pour la gauche rassemblée, nous voterons pour François Hollande.
Nous voterons pour la gauche car elle est notre famille politique. Son histoire, son moteur, son identité, c’est de placer l’intérêt général avant les intérêts privés, la raison au-dessus des croyances ou des préjugés, c’est de faire reculer les oppressions et de construire une société où les dominations de toutes sortes n’auront plus leur place. La gauche est une alliée intrinsèque de la lutte des femmes pour leur libération parce qu’elle a pour but l’émancipation de chaque individu.
Ces cinq dernières années, le lien social a été affaibli, les inégalités se sont développées. Les femmes ont payé le prix fort des mesures libérales mises en œuvre par Nicolas Sarkozy : réforme des retraites, fermetures de centres IVG, recul de la parité, augmentation de la précarité du travail, féminisation de la pauvreté… Il est temps de changer de politique, pour les femmes comme pour la société toute entière.
L’amélioration réelle de la vie des femmes passe par des mesures spécifiques mais aussi par des politiques publiques qui visent le progrès social, par une plus juste répartition des richesses, le maintien et l’amélioration des services publics. A de nombreuses reprises, la gauche a soutenu les mobilisations féministes. Elle a prouvé qu’elle pouvait mettre en œuvre des politiques progressistes et favorables à l'égalité entre les sexes et à la liberté des femmes.
L’arrivée de la gauche au pouvoir est une condition importante de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais nous savons aussi que les mécanismes de domination, multimillénaires, d’invisibilité des femmes et de résistance à leur émancipation et à leur libération, sont puissants. Le candidat de gauche devra les combattre. Nous comptons sur lui. Nous serons là pour lui rappeler ses engagements, le soutenir quand il voudra lutter contre le patriarcat, et le bousculer si les vieux démons reprennent le dessus.
La promesse de François Hollande de rétablir le ministère des Droits des Femmes, dans un gouvernement paritaire, est un engagement majeur. Ce ministère, en travaillant avec les associations féministes, devra être un outil politique déterminant pour faire reculer les inégalités et inventer une autre société.
Nous affirmons la dimension profondément politique du féminisme. Nous attendons une remise en cause de cette organisation sexuée de la société qui crée et perpétue des inégalités intolérables entre les femmes et les hommes. Voter à gauche, c’est refuser l’assignation à des rôles pré-établis, c’est parier sur la raison et la capacité de chacune et chacun à s’extraire de sa condition pour devenir maître de sa vie. Voter à gauche, c’est parier pour un monde nouveau, dans lequel les droits des femmes passeront des textes de lois à la réalité.
Nous appelons toutes celles et ceux qui veulent que les droits des femmes retrouvent le chemin du progrès à se rassembler dans un vote de gauche, à voter François Hollande."
Dans l’émission d‘Hervé Gardette, « Du grain à moudre », diffusée le 25.04.2012 sur France Culture, les quatre invités (Barbara Cassin, Martin Legros, Stéphane Rozès et Nicolas Baverez) s’interrogent sur le déroulement du premier tour de la présidentielle :
« La campagne a-t-elle été assez féminine? »
Philosophie Magazine n°59 (mai 2012) consacre un dossier composé de six articles à la question :
« Les femmes sont-elles plus morales que les hommes? »
"Pour la plupart des féministes de la première génération, la remise en cause de la domination masculine et la conquête de l'égalité des droits ont conduit à critiquer toute différence de nature entre homme et femme. C'est ce qui a amené notamment à distinguer le sexe – donnée biologique – et le genre – construction sociale de l'identité sexuelle. Or voilà qu'une nouvelle vague féministe venue des États-Unis renverse cet égalitarisme et revendique la supériorité des valeurs morales féminines. C'est le care, ou la sollicitude, l'ouverture à autrui et le dialogue qui sont mis en avant, contre le goût du rapport de force et le solipsisme jugés trop masculins.
À l'heure où le « deuxième sexe » conquiert la première place – aux États-Unis, les salaires des femmes sont désormais supérieurs à ceux des hommes –, la question se pose avec une acuité particulière : si les femmes prennent le pouvoir, en feront-elles un meilleur usage que les hommes avant elles ?"
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« Quand on interroge les femmes politiques, elles dénient en bloc l’idée qu’elles feraient de la politique autrement, au féminin. Mais l’inverse saute aux yeux dès qu’on entre dans les détails : elles affirment alors être porteuses de valeurs différentes dans un monde d’hommes. Elles se différencient notamment par une appréhension modeste de leurs compétences, un sens revendiqué du concret, une plus grande proximité avec les citoyens, un rapport au temps et à la parole plus efficace… Quand un homme politique prend la parole trois fois pour dire la même chose et sans avoir grand-chose à défendre, une femme ne parle que si elle a quelque chose de précis et d’élaboré à dire, ce sont des femmes politiques qui l’affirment ! […]
Peu de femmes politiques portent la cause des femmes, surtout lorsqu’elles sont haut placées dans la hiérarchie. Certaines m’ont même dit avoir le sentiment qu’il leur fallait rejeter le féminisme si elles voulaient, en tant que femmes, réussir en politique. »
Camille Froidevaux-Metterie, professeure de sciences politiques
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"Observons d'abord les faits : selon le ministère de la Justice français, 85 % des homicides et 98 % des crimes sexuels y compris sur mineurs sont commis par des hommes, 96,8 % de la population carcérale (au 1er janvier 2011) est masculine, 84 % des victimes de crimes conjugaux sont des femmes. « Dans aucune espèce vivante, constate l'anthropologue Françoise Héritier, les mâles tuent leurs femelles, parce que cela mettrait en péril la reproduction et la survie de l'espèce… sauf chez les hommes. Battre et tuer sa femme n'est donc pas un acte bestial mais bien l'exception du mâle humain ! » Et ne comptons pas les guerres, qui sont décidées et livrées majoritairement par des hommes ; ni les risques inconsidérés pris par des traders shootés à la testostérone qui provoquent les crises économiques mondiales. Si, donc, on considère quantitativement les infractions à la loi ou les manquements à la morale publique (ce qui ne saurait être le tout de la vie morale) et qualitativement la gravité des actes, la majorité masculine est écrasante. Empiriquement, les hommes sont plus souvent du côté de la violence, surtout physique, les femmes plus souvent du côté des victimes. Cela suffit-il à faire d'elles des êtres plus moraux ?"
“Les femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l’homme deux fois plus grande que nature.”
Virginia Woolf - Une chambre à soi
"Font leur pipi contre les murs, - Quelquefois mêm' sur leurs chaussures, - Pisser debout ça les rassure, - Les z'hommes, - Z'ont leur p'tit jet horizontal, - Leur p'tit siphon, leurs deux baballes, - Peuv' jouer a la bataill' navale, - Les z'hommes, - Z'ont leur p'tit sceptre dans leur culotte, - Leur p'tit périscop' sous la flotte, - Z'ont le bâton ou la carotte, - Les z'hommes, - Et au nom de ce bout d'bidoche - Qui leur pendouille sous la brioche, - Ils font des guerres, ils font des mioches, - Les z'hommes...
Ils se racontent leurs conquêtes, - Leurs péripéties de braguette, - Dans des gros rir' à la buvette, - Les z'hommes, - Ils se racontent leur guéguerre, - Leurs nostalgies de militaires, - Une lalarme à la paupière, - Les z'hommes, - Virilité en bandoulière, - Orgueil roulé en band' moll'tières, - Agressivité en oeillères, - Les z'hommes, - Ils te traiteront de pédé, - De gonzesse et de dégonflé, - A moins qu'tu n'sort' dehors si t'es - Un homme...
Z'aiment les femmes comme des fous, - C'est si pervers et c'est si doux, - "Enfin quoi ! c'est pas comm' nous, - Les z'hommes".
Z'aiment les femmes à la folie, - Passives, muett' et jolies - De préférence dans le lit, - Des z'hommes, - Au baby-room ou au boudoir, - A la tortore ou au trottoir, - Z'aiment les femmes sans espoir, - Les z'hommes, - Prostituées ou Pénélopes, - Apprivoisées ou antilopes, - "Toutes les femm' sont des salopes" - Pour les z'hommes...
C'est en quatre vingt treiz', je crois - Qu'ils ont tué la femme du roi - Et la déclaration des Droits - De l'Homme, - C'est depuis deux mille ans, je pense, - Qu'ils décapitent en silence - Les femmes d'ailleurs et de France, - Les z'hommes, - Z'ont abattu les Thibétaines, - Z'ont fricassé les Africaines, - Z'ont indigné les Indiennes, - Les z'hommes, - Z'ont mis le voile aux Algériennes, - La chasteté aux châtelaines - Et le tablier à Mémène, - Les z'hommes...
Excusez-moi, mais ell' me gratte, - Ma pauvre peau de phallocrate, - Dans la région de la prostate - Des z'hommes, - Excusez-moi, mais je me tire, - Sans un regret, sans un soupir, - De votre maffia, votre empire - Des z'hommes, - A chacun sa révolution, - Aurais-je seul'ment des compagnons - Qui partagent l'indignation - D'un homme ?"
Henri Tachan
(Merci à Monica pour la chanson)