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10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 12:24

 

 

Je vous propose un extrait de l'excellent essai de Bertrand Russell, philosophe et mathématicien britannique, "Science et religion" paru en 1935 que j'ai lu avec grand intérêt et beaucoup de plaisir cet été, avec 80 ans de retard. :~) 
Il s'agit ici de la conclusion pleine d'ironie et d'intelligence du chapitre consacré au fameux Dessein Cosmique divinement bon et sage dont l'aboutissement serait l'être humain
.

 

 

 

« J'en viens maintenant à la dernière question de notre discussion de Dessein Cosmique, à savoir : ce qui s'est passé jusqu'ici démontre-t-il les bonnes intentions de l'univers ? La soi-disant raison de le penser, comme nous l'avons vu, est que l'univers nous a produit, NOUS. Je ne peux pas le nier. Mais sommes-nous vraiment assez merveilleux pour justifier un aussi long prologue ? Les philosophes insistent sur les valeurs : d'après eux, nous pensons que certaines choses sont bonnes, et, puisqu'elles sont bonnes, nous devons donc être très bons pour les juger telles. Mais c'est là un cercle vicieux. Un être ayant d'autres valeurs pourrait trouver les nôtres assez atroces pour démontrer que nous sommes inspirés par Satan.
N'y a-y-t-il pas quelque chose d'un peu grotesque dans le spectacle d'êtres humains tenant un miroir devant eux, et trouvant ce qu'ils y voient assez parfait pour démontrer qu'un Dessein Cosmique y tendait dès l'origine ? Pourquoi, de toute façon, cette glorification de l'Homme ? Que dire des lions et des tigres ? Ils détruisent moins de vies animales ou humaines que nous, et sont beaucoup plus beaux que nous. Que dire des fourmis ? Elles gèrent l'Etat corporatif beaucoup mieux que n'importe quel fasciste. Un monde de rossignols, d’alouettes et de chevreuils ne serait-il pas meilleur que notre monde humain de cruauté, d'injustice et de guerre ? Les adeptes du Dessein Cosmique font grand cas de notre soi-disant intelligence, mais leurs écrits en font douter. Si je recevais la toute-puissance, avec des millions d'années pour expérimenter, je ne penserais pas à me vanter de l'Homme comme résultat de mes efforts.
L'homme, en tant qu'accident singulier dans un coin écarté, est intelligible : son mélange de vices et de vertus est bien celui qu'on attendrait d'une origine fortuite. Mais seule une suffisance insondable peut voir dans l'homme un mobile que l'Omniscience jugerait digne du Créateur. La révolution copernicienne n'aura pas fait son oeuvre tant qu'elle n'aura pas enseigné aux hommes plus de modestie qu'on n'en trouve chez ceux qui pensent que l'Homme est une preuve suffisante du Dessein Cosmique. »


Bertrand Russell, Science et religion, Gallimard 1971, p. 164   
[trad. Philippe-Roger Mantoux]   

 

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4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 15:06

 

 

Le cours d'esprit critique - très vivant, décontracté et accessible à tous - donné par Richard Monvoisin, docteur en didactique des sciences, à l'Université Joseph Fourier à Grenoble. 

Vous pouvez - sans le moindre problème de compréhension - visionner cette vidéo par petits bouts de quelques minutes en choisissant parmi les thèmes présentés ci-dessous. 

Les séquences n° 4, 6, 7 et 16 m'ont paru particulièrement intéressantes.   

 

1. Raison et pensée critique  -  (00:15)

 
 2. La pensée matérialiste ou le monde comme matière  -  (01:11)      -  matérialisme méthodologique et non consumérisme
 
 3. La science, une démarche ouverte et évolutive  -  (02:45)
 - Ignace Philippe Semmelweis et l'utilité du lavage des mains après la dissection d'un cadavre,  avant d'effectuer un accouchement
 
 4. Science et pseudo-science : la réfutabilité contre le dogme  -  (05:09)
 - critère de Karl Popper ou de la réfutabilité des théories : si une théorie contient en elle-même sa  propre irréfutabilité (ex. psychanalyse, sectes, stages de développement personnel), elle n'est pas  scientifique  
 
 5. Le rasoir d'Occam : l’alternative est féconde - le parcimonie des hypothèses  -    (11:32)
 - couper les entités non nécessaires : pour expliquer un phénomène nouveau (extraordinaire,    paranormal, surnaturel), il est logique de privilégier l'hypothèse la moins coûteuse, la plus  simple, celle qui met en jeu le moins d’entités
   
 6. La raison, un outil d'analyse socio-politique  -  (14:49)
 - créer une autodéfense intellectuelle contre les affirmations stéréotypées : sur la différentiation  entre les sexes et entre les peuples, sur la délinquance, sur l'autisme, sur la répartition des  richesses, sur le model économique, sur les mythes "historiques" fondateurs...
 - vérifier si on ne propose pas une solution qui n'est pas une à un problème qui est mal analysé
 
 7. Nos opinions, une construction sociale  -  (20:09)
 - validation subjective - biais de confirmation - exposition sélective
 ou pourquoi les gens de gauche lisent les journaux de gauche, et les gens de droite les journaux de  droite ?
 et pourquoi les noirs courent vite et les femmes sont douées pour les tâches ménagères ?
 
 8. Raison et irrationalité, la cohabitation  -  (25:02)
 
 9. Le loto, seule chance d’ascension sociale  -  (26:07)
 - se payer une part de rêve 
 
 10. Les probabilités contre-intuitives  -  (28:16)
 - notre cerveau amplifie les petites probabilités et diminue les grandes, dans quelle mesure est-il  capable de nous tromper ?
 
 11. Phénomènes paranormaux, d'abord les preuves ! -  (29:20)
 - la science n'a pas pour but de tout expliquer, mais juste décrire le monde tel qui semble être
 - le jour ou la science mettra en évidence les capacités extrasensorielles, nombreux seront  les scientifiques à vouloir travailler là-dessus, mais ce qu'il manque, c'est l’élément de départ,  l'élément de preuve.
 
 12. Les pouvoirs de l'esprit, quelles preuves ?  -  (30:52)
 
 13. La bonne foi ne vaut pas la preuve  -  (31:57)
 
 14. La sourcellerie, quelles preuves ?  -  (34:11)
 
 15. Les pouvoirs de l'esprit, l'addiction sans preuve  -  (35:45)
 - est-ce vrai qu'on utilise seulement 10% des capacités de notre cerveau ? Serait-il doté de facultés  extraordinaires et suffirait-il de faire le travail sur soi, guidé par les coachs, pour faire émerger    les  90% de notre potentiel caché, pas exploité ?
 
 16. Croyances et médias  -  (37:59)
 - le but des médias n'est pas d'abord : informer, mais : gagner sa vie. Pour vendre un maximum,  il  faut jouer sur les fibres sensibles de l'esprit humain : la sécurité, la peur, l'affect, l'espoir, le  sensationnel...
 - l'entité extraterrestre qui viole la nuit plus vendable que la paralysie du sommeil 
 - le rapport de Tony Blair sur les armes de destruction massive en Irak ou l'affaire de Nayirah  (des  couveuses au Koweït) - l'instrumentalisation de l'information créé de toute pièce pour  émouvoir la population - les médias au service de la propagande de guerre 
 
 17. Croyances et niveau d'éducation  -  (46:04)
 
 18. L'effet Pangloss ou le raisonnement à rebours  -  (49:05)
 - tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles : scénario des créationnistes et de  Pangloss, grand philosophe et professeur de métaphysico-théologo-cosmolonigologie,  précepteur  de Candide de Voltaire
 
 19. Le cold reading  -  (52:23)
 - ou la lecture à froid : lire en une personne - méthode de persuasion utilisée par les vendeurs, les  politiques, les voyants, les  sectes et autres escrocs et manipulateurs
 - les techniques : l'effet Forer (ou Barnum) - le tir au petit plomb

 

 

 

 

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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 09:53

 

 

Samedi dernier, le 19 septembre 2015, sur le plateau de "On n'est pas couché", Michel Onfray a répondu à la question de Léa Salamé et Yann Moix : qu'est-ce qu'un peuple ? (13:00) Professeure de philosophie, Laurence Hansen-Love, analyse les définitions données par le philosophe : 

 

 

Cher Michel Onfray,

Votre réponse, ou plutôt votre suite de réponses, ne fait pas l’affaire.

 

Première réponse: « Le peuple, c’est ceux sur qui s’exerce le pouvoir ».

Un peu vague. Cela peut désigner tous les êtres humains sur qui s’exerce le pouvoir. Donc par exemple les syriens ou les erythréens qui tentent de trouver un asile en Europe. D’autre part, on ne voit pas bien qui est inclus - les sans-grades ? - et qui est exclu : ceux qui ont un quelconque pouvoir? Mais on peut très bien être soumis au pouvoir tout en possédant un pouvoir: par exemple les maires de France, ou bien les syndicats, ou bien n’importe quel prof ou fonctionnaire, soumis au pouvoir politique mais exerçant dans son registre une forme de pouvoir.

 

Deuxième réponse (implicite): le peuple français  mon peuple » dit Michel Onfray ). Dans ce cas, il faut inclure touts les citoyens français, y compris les rentiers, capitalistes, politiciens, chefs d’entreprise etc. Cette définition est incompatible avec la première.

 

Troisième réponse : « Le prolétariat old school ». Explication ? « Ceux (autrefois) qui étaient communistes, qui vendaient l’Humanité etc », ceci afin d’exclure « le peuple de gauche » aujourd’hui, celui qui est représenté par Libé et ses bobos. Un peu farfelu: chacun voit le peuple à sa porte, par exemple, pour les Lepen, le peuple c’est ceux qui votent pour eux.

 

Quatrième réponse: « Ceux qui se lèvent le matin, ceux qui souffrent », exemple: « Les étudiantes qui se prostituent » On ne peut pas définir le peuple en donnant des exemples. Et puis il y a des gens qui ne se lèvent pas le matin et qui souffrent, et des gens qui se lèvent tôt le matin sans souffrir pour autant…

 

Cinquième réponse : le prolétariat tout court. Au sens de Marx? C‘est-à-dire « ceux qui sont obligés de vendre leur force de travail »? Ou encore: « tous les salariés au revenu modeste »? Mais alors qu’en est-il des chômeurs? et de tous ces petits entrepreneurs, artisans, auto-entrepreneurs, étudiants, pauvres, précaires, etc.. qui souffrent, mais qui ne sont pas des prolétaires. Quant aux chômeurs, aux réfugiés éventuellement nantis, et diplômés , mais aujourd’hui apatrides, ce ne sont pas des prolétaires..

 

Conclusion: ce n’est pas sérieux de la part d’un philosophe d’employer ce mot « peuple » non à la manière d’un philosophe, mais comme le font les politiciens démagogues et populistes. Comme Marine Le Pen ou Sarkozy.

 

___________________________

 

"La Liberté guidant le peuple", Eugène Delacroix, 1830

 

PEUPLE

"Du latin populus, "peuple". 
Sens ordinaire : collectivité humaine et politique régie par des lois ou des coutumes communes.
 
Le peuple constitue une communauté inter-humaine organisé selon certaines lois ou selon certaines traditions. Bien qu'étant constitué d'individus, le peuple ne se réduit pas à la somme de ses membres mais forme une réalité relativement autonome. Ainsi, la vitalité d'un peuple est-elle relative aux institutions qu'il se donne et non pas uniquement à l'état d'esprit de ceux qui y appartiennent.
D'une manière générale, depuis Hobbes, la philosophie moderne a tenté de penser le peuple comme une réalité essentiellement politique. Identifier le peuple à l'Etat, c'est affirmer que l'unité d'un peuple ne dépend pas de son origine raciale, ni même des coutumes qu'il a adoptées au cours de son histoire, mais des lois qu'il se donne librement. C'est Rousseau qui ira le plus loin en distinguant le peuple comme communauté politique fondée sur le contrat social et la populace qui n'est que la multitude humaine sans lois. Il s'agit donc de remonter jusqu'à "l'acte par lequel un peuple est un peuple" (Du contrat social, I, 5), et cet acte de volonté et le pacte social lui-même par lequel les individus forment une communauté. Si, par conséquent, le peuple n'a d'existence que politique, il se définit par la volonté générale dont l'objet est l'intérêt commun. S'il existe ainsi une definition républicaine du peuple, le mode de gouvernement qui instaure ce dernier en origine du pouvoir est la démocratie. Dans ce régime politique, le peuple est la source unique de la légitimité qui s'exprime par la voie du suffrage universel. Une communauté politique possède enfin une identité spirituelle qui lui est propre et que Hegel nomme "esprit du peuple", pour la distinguer de toute forme d'identité naturelle ou raciale."
 
 
Extrait de "La philosophie de A à Z", sous la direction de Laurence Hansen-Love, Editions Hatier, 2011, p. 345
 
 
 
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  • quatuor
  • Le blog de 4 amis réunis autour de la philosophie de Michel Onfray qui discutaient de la philosophie, littérature, art, politique, sexe, gastronomie et de la vie. Le blog a élargi son profil depuis avril 2012, et il est administré par Ewa et Marc
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