"L'ascèse cynique fait de l'action l'entraînement privilégié. L'anecdote cynique témoigne en ce sens : le philosophe est un praticien, sa méthode est de geste, les traces qu'il laisse sont concentrées dans des histoires - celles qui font le corpus cynique, et son originalité."
Michel Onfray, Cynismes
"Arrivé à Athènes, Diogène s'attacha à Antisthène. Ce dernier le repoussa : il ne voulait être suivi par personne. Mais l'assiduité de Diogène en vint à bout. Un jour, par exemple, Antisthène leva son bâton contre lui; Diogène lui dit en avançant la tête : Cogne donc : tu ne trouveras pas de gourdin assez dur pour me chasser aussi longtemps que tu me donneras l'impression de tenir des propos sensés. A partir de ce jour, Diogène devint son disciple."
"Un jour, on ne sait pourquoi, il se trouvait à vendre parmi les esclaves : Diogène en profitait pour apostropher les chalands. A l'éventuel acheteur qui testait la marchandise en demandant à chacun ce qu'il savait le mieux faire, Diogène repondait avec morgue et détachement : Diriger les hommes. Et, comme pour mieux aider l'acquéreur dans son travail, il ajoutait : Annonce donc : quelqu'un veut-il se procurer un maître?"
Diogène, Jean-Léon Gérôme, 19e siècle, Baltimore - The Walters Art Museum
"Quelle sorte de chien es-tu? demandait-on à Diogène. - Quand j'ai faim, disait-il, je suis un maltais; repu, je suis un molosse - deux races dont la plupart des gens font l'éloge mais qu'ils n'osent pas suivre à la chasse par crainte de l'effort."
"Un jour que Diogène se faisait traiter de chien, Polyxène le dialecticien s'émut et fit part de son trouble au sage : Mais, toi aussi, lui dit-il, appelle-moi le chien : Diogène, pour moi, n'est qu'un surnom; je suis en effet un chien, mais je fait partie des chiens de race, de ceux qui veillent sur leurs amis."
"Diogène disait de Platon : A quoi peut bien nous servir un homme qui a déjà mis tout son temps à philosopher sans jamais inquiéter personne? Je laisse aux autres le soin d'en juger. D'après Diogène les discours d'un philosophe devaient être pénétrés de cette douceur âcre qui peut mordre les blessures humaines. Le chien augure d'une façon incisive de pratiquer la sagesse."
Diogène de Sinope, Leonardo Torricini, 21e siècle
"Le poisson masturbateur... Les poissons font preuve de presque plus d'intelligence que les hommes : quand ils sentent le besoin d'éjaculer, ils sortent de leur retraite et vont se frotter contre quelque chose de rude."
"Diogène lézarde au soleil de Corinthe, auprès du Cranéion, quand Alexandre le Grand l'aborde et lui dit, grand seigneur : Demande-moi ce que tu veux... Ce à quoi le cynique répond : Ôte-toi de mon soleil. Et continue son farniente..."
Diogène cherchant l’homme, Augustin Pajou d’après Jacques Saly,
18e siècle, musée du Louvre
Diogène à la recherche d’un honnête homme, Jacob Jordaens, 17e siècle, Dresde - Alte Meister Gemaldgalerie
"Au beau milieux de la place publique, Diogène appelle un jour à tue-tête des hommes... Des gens arrivent, bien sûr, curieux du personnage et de ses pratiques. Alors il distribue quelques coups, çà et là, au hasard, à destination des badauds, et justifie son geste en disant : J'ai demandé des hommes, pas des déchets.
"Une autre fois, il ira avec la même demande, affublé d'une lampe allumée en plein jour, toujours en quête d'hommes, toujours déçu dans son attente... Il cherche des êtres qu'il puisse initier à son volontarisme esthétique..."
"A la question : D'où es-tu?, Diogène répond : Je suis citoyen du monde car la seule vraie citoyenneté est celle qui s'étend au monde entier. Et Cratès aura cette superbe formule pour répondre à la même interrogation : Je suis citoyen de Diogène."
Diogène cherchant un homme, Gaspard Gresly, 18e siècle,
Dole -musée des beaux-arts
Diogène demandant l’aumône aux statues,Jean Bernard Restout,
18e siècle, Toulouse - musée des Augustins
"Diogène faisait la manche sans vergogne et affirmait que l'amour de l'argent est la métropole de tous les maux. Et quand la monnaie se faisait attendre, les jours d'aumône, il invectivait le passant : Mon ami, disait-il, je quête ma nourriture, pas mes frais de sépulture."
"Dans les rues d'Athènes, il vit un jour un voleur de vase, propriété du Trésor, passer avec une escorte de deux policiers. Sans attendre il apostropha le trio : Voilà les grands voleurs qui en entraînent un petit."
Diogène, John William Waterhouse, 19e siècle
Diogène brisant son écuelle, Etienne Jeaurat, 18e siècle,
musée du Louvre
Diogène jetant son écuelle, Nicolas Poussin,17e siècle, musée du Louvre
"Les cyniques allaient pieds nus en toute saison et disposaient, en guise d'accessoires, d'une besace et d'un bâton. Le sac fut même, en son temps, porteur d'une petite soucoupe dans laquelle Diogène récupérait l'eau des fontaines et des sources. Un jour qu'il aperçut un enfant boire dans le creux de sa main, contrit et confus, il mit l'objet au ruisseau en se demandant comment il avait fait pour supporter si longtemps un instrument aussi encombrant et superflu..."
"Diogène devait payer le prix fort : puisqu'il avait toujours enseigné les vertus de la simplicité et de l'alignement sur la nature, qu'il se refusait au feu et consommait les aliments crus - en guise de protestation contre le dieu Prométhée, symbole de la civilisation -, le philosophe, joignant le geste à la parole, voulut manger un poulpe cru. Bien mal lui en prit : coliques, douleurs, indigestion, la mort fut au rendez-vous."
Ewa - Marc